Bienvenue chez les aidants


Quand le Resaf 37 intervient au domicile d’un aidant, c’est qu’il y a urgence pour son bien-être ou sa santé. Ce réseau inédit de soutien né dans l’Indre-et-Loire est constitué d’une équipe mobile et pluridisciplinaire. Sans gyrophare ni sirène « deux-tons », il vise à trouver rapidement des solutions pour que les aidants familiaux ne s’épuisent pas à la tâche.


Dans le champ de l’économie sociale et solidaire, on n’a pas fini d’entreprendre et de surprendre. C’est le cas au nord-est de l’Indre-et-Loire, plus précisément sur le secteur du Pays Loire Touraine. C’est de là qu’en 2013 est créé le Resaf 37, un réseau de soutien aux aidants familiaux porté par AssistaDom, entreprise de services à domicile basée à Vouvray. Parmi ses actions, l’une d’entre elles attire l’attention par sa nouveauté et sa pertinence : c’est une équipe mobile et pluridisciplinaire. Notamment constituée de professionnels de santé, elle intervient directement au domicile.

« Certains aidants familiaux participent à des groupes de paroles mais d’autres ne sortent plus du tout de chez eux alors qu’il est urgent de leur apporter du soutien », indique Martine Aulagnier, directrice d’AssistaDom.

Ils se coupent volontairement du monde ou sont coupés du monde car ils connaissent des problèmes de mobilité. Souvent, les interventions au domicile se concentrent sur la personne aidée. Pourtant, en 2012, les conclusions d’une enquête, menée auprès des aidants du territoire par la coordination autonomie du canton du Vouvray, sont éloquentes : manque d’information, de reconnaissance et de temps pour soi, épuisement, difficultés financières, peur de l’avenir… La coupe est pleine.


Les situations difficiles sont légion. Depuis octobre il y a un an, une vingtaine de dossiers ont été pris en charge par le Resaf 37.
L’alerte est habituellement donnée par les travailleurs sociaux du conseil général, de la Carsat ou de la MSA Berry-Touraine, ou par les membres des centres communaux d’action sociale (CCAS). C’est une psychologue clinicienne, Virginie Delassaux, qui coordonne le Resaf 37. Elle présente de façon anonyme au comité de pilotage, qui se réunit toutes les six semaines, les différents profils signalés. Quand une situation est validée, l’accompagnement peut alors débuter.


Inter à prévoir

Pour chaque cas, une référente est attribuée. Cette personne, souvent une psychologue — que l’on préfère appeler « professionnelle de l’écoute » au sein du Resaf 37  — assure le premier rendez-vous au domicile, en compagnie du travailleur social connu de l’aidant. Sur place, elle évalue la situation. Puis elle établit un plan d’aide, validé par le comité de pilotage, en fonction des besoins et des demandes formulées : jusqu’à six visites, c’est selon, à raison d’une fois par mois. « Les aidants familiaux s’oublient, explique Virginie Delassaux, ils ne pensent plus à soi et ne prennent plus soin d’eux.

Nous avons fait intervenir une socioesthéticienne chez une dame, par exemple. Celle-ci nous a confié que grâce à cela, elle avait de nouveau pensé à elle. Elle s’est sentie plus détendue : elle a renoué le dialogue avec son aidé et a accepté de se faire suivre par un psychiatre. » Aux grands maux pas toujours les grands remèdes. Financièrement, le Resaf est soutenu par l’Europe — fonds Leader — la région Centre — ID en campagne— la Carsat et AssistaDom. Projet expérimental à but non lucratif, il n’est demandé qu’une participation symbolique de 10 euros aux bénéficiaires. « Les aidants ont une mauvaise image d’eux-mêmes. Ils vivent constamment dans la culpabilité. Ils finissent par baisser les bras devant la fatalité de la situation. Ils ne revendiquent plus rien, ne sont pas informés de leurs droits ou ne veulent pas les faire valoir », constate Martine Aulagnier. L’aspect pécuniaire ne saurait constituer un frein supplémentaire. L’équipe pluridisciplinaire compte deux psychologues cliniciennes et une gérontopsychologue (conseil, écoute, échange, soutien), la présidente de Touraine Alzheimer (conseils personnalisés), un kinésithérapeute (aide aux gestes quotidiens), une diététicienne (diabète, alimentation, hydratation…), un ergothérapeute (aide à l’aménagement du domicile), un sophrologue et une socioesthéticienne (détente, relaxation, gestion du stress, estime de soi)… Ainsi que le cas échéant, un médiateur familial, dont le recrutement est encore à l’étude. Chaque membre est signataire de la charte qualité du Resaf qui garantit, entre autres, le respect du secret professionnel.


Inter à prévoir

Chaque situation étant unique, chaque intervention l’est également. « Le succès de la démarche tient dans cette relation d’équipe entre professionnels complémentaires, ce lien entre collègues », souligne avec ferveur Michèle Duvivier, psychologue clinicienne. « Seule, on n’y arriverait pas ». Exemple : elle « passe le relais » à Dominique Beauchamp, présidente de Touraine Alzheimer, quand la situation l’exige. C’est bien ce principe qui anime le Resaf de bout en bout. Au terme de l’accompagnement, le dernier rendez vous permet non seulement d’établir un bilan mais également d’orienter l’aidant vers des structures existantes : établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), maison pour l’autonomie et l’intégration des malades Alzheimer (Maia), CCAS, solutions de répit (Agevie, relais Cajou…), psychiatre, etc. Mais quoiqu’il arrive, un suivi est assuré : sur les 19 situations traitées à ce jour, sept n’ont pas aboutie parce que les aidants n’étaient pas prêts. Dans ce cas, le contact est régulièrement maintenu par la coordinatrice. Huit situations sont encore en cours et quatre sont terminées. La prise de relais par des structures extérieures a été correctement effectuée. Aujourd’hui, le périmètre d’intervention du Resaf est en passe de s’étendre aux secteurs de Tours et Saint-Cyr-sur-Loire, preuve s’il en fallait de la reconnaissance par les partenaires du travail déjà accompli. « Des résultats tangibles », observe Martine Aulagnier, qui rend hommage à « l’engagement de toute une équipe dont les membres partagent tous une même éthique personnelle ».

Franck Rozé

Qui a dit que la vie était
un long fleuve tranquille ?
Pas un aidant, en tout cas,
qui sait que le cours de
l’existence peut se trouver
chamboulé par la maladie
ou la perte d’autonomie
d’un proche.

Le comité de pilotage du Resaf :

Martine Aulagnier, directrice d’AssistaDom ;
Angélique Lunven-Pinguet, assistante
sociale de la Carsat ;
Marie Guyomard, assistante sociale de la MSA BerryTouraine ;
Dominique Beauchamp, présidente de Touraine Alzheimer ;
Sophie Dja Kalack, gérontopsychologue ;
Valérie Thénon, assistante sociale du
conseil général ;
Virginie Delassaux, psychologue clinicienne, coordinatrice du Resaf ;
Françoise Chéné, médecin à la direction de l’autonomie (conseil général) ;
Michèle Duvivier, psychologue clinicienne ; et Sylvie Noyant, référente sociale de la MDPH.

Témoignage
Jean Klymus, aidant familial

Jean Klymus, 80 ans, a accepté de témoigner à visage découvert de son quotidien avec son épouse, 78 ans, diagnostiquée Alzheimer il y a six ans. Il a bénéficié de l’accompagnement du Resaf.

Les premiers symptômes sont apparus il y a huit ans. Très tôt, j’ai voulu savoir comment allait évoluer la maladie, comment faire avec cette nouvelle personne. Le médecin, lui, vous tape sur l’épaule et vous dit : “Je vous plains”. Mais je n’avais pas les réponses à mes questions. Depuis, je veille sur mon épouse. Elle ne sort plus toute seule depuis longtemps. On ne part plus en vacances. Elle est de moins en moins autonome pour tout, pour s’habiller, pour une fenêtre qu’elle n’arrive pas à fermer, etc. Elle se laisse aller. Depuis quelques mois, elle me demande constamment si c’est bien là haut, à l’étage, qu’on monte pour aller se coucher. Avant, elle tricotait. Puis elle a arrêté, du jour au lendemain. Il y a peu, elle s’est remise au tricot. En fait, elle fait et défait des rangs. C’est son passe-temps. Le soir, je mets tout en ordre pour le lendemain. J’en profite également pour m’occuper de moi. Je me couche tard, vers deux heures du matin. C’est l’habitude du travail. J’étais tourneur. Mais on y laisse un peu sa peau. Mon épouse a bien des moments de lucidité. Je sais parfaitement que l’évolution de la maladie est inexorable. Parfois on me dit : “Vous ne voulez pas le voir”. C’est faux : je ne nourris pas de faux espoir. Je le prends mal, c’est tout ! L’année dernière, en septembre précisément, il s’est passé quelque chose. Je vais vous dire. Je suis un grand amateur de champignons. Je pars à la cueillette dans la forêt de Montrichard. Là, en revenant sur mes pas, je me perds. Je tourne longtemps en rond sans pouvoir me repérer. Entre chien et loup, je suis pris de vertiges. Je tombe plusieurs fois. Finalement, je me retrouve sur un chemin qui débouche sur la route de Montrichard. Il ne me reste plus qu’à franchir le fossé qui les sépare. Avec mon bâton, je commence alors à dégager les ronces pour me frayer un passage. C’est alors que je m’enlise dans la vase du fossé. J’ai bien cru que j’allais y rester. J’ai eu la trouille de ma vie. J’ai pensé à ma mort. Ce sont des jeunes qui passaient par là qui m’ont tiré d’affaire. Cet épisode a été un élément déclencheur. Que deviendrait mon épouse s’il m’arrivait quelque chose ? C’est à partir de là que j’ai accéléré la constitution du dossier de demande d’hébergement en Ehpad pour elle. Le Resaf m’a bien aidé dans cette démarche. Heureusement qu’il existe des gens comme ça pour reconnaitre notre travail d’aidant !


A savoir

Le Resaf est intervenu six fois au domicile de cet aidant. Avec Virginie Delassaux, référente, le plan d’aide a porté ses fruits. Jean Klymus reconnaît volontiers l’utilité des conseils personnalisés prodigués par la présidente de Touraine Alzheimer pour comprendre la maladie et le savoir faire au quotidien (habillage…). Une deuxième journée de répit en accueil de jour a été mise en place avec l’association Agevie. Aujourd’hui, Jean ne court plus pour aller faire son marché et prend même le temps de… flâner.

le bisma octobre 2014

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